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LE TRÉSOR D’ARLATAN

au fond de la Camargue, en plein désert !…

« … Voilà monsieur Henri, » dit une voix dans l’ombre, à quelques pas.

Il arrivait chez lui, où Charlon et sa femme, de retour de la ferrade, l’attendaient avec impatience. Danjou, en entrant, fut saisi de leur émotion. Naïs surtout, encore en ses atours de fête, sa pauvre figure creusée, travaillée au couteau sous les broderies d’or de la coiffe d’Arles, marchait à pas furieux d’un bout de la pièce à l’autre, et se trouva juste en face de lui, éclairée en dessous par le grand feu de souches que Charlon, à genoux, était en train d’allumer.

« Vite, monsieur Henri… — sa parole haletait comme après une longue course — vite, est-ce vrai que ma sœur a passé l’après-midi à lire près de vous, à la Cabane ? »

D’abord, il ne comprit pas. C’était si loin de sa pensée, maintenant, cette petite Zia et toute son histoire ! Mais il se reprit aussitôt, et, devant l’anxiété de ces braves gens, surtout en se représentant la fillette et ses grands yeux qui le suppliaient, il n’hésita pas à mentir, secrètement averti que, pour leur tranquillité à tous, il devait commencer par là.

« Mais certainement, ma bonne Naïs, que votre sœur a passé l’après-midi à la Cabane…

— Tu vois, ma femme… » cria Charlon tout joyeux.