Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
ROSE ET NINETTE

t’aime » qui ne soit pas du Conservatoire, elles songent aussitôt : « Comme je l’ai bien dit ! » et le réservent au public dans la prochaine comédie de mœurs… Et si bonnes camarades, le cœur sur la main, ne refusant rien aux petits amis. Il faut avoir vu les couloirs d’un théâtre, quand les artistes sont entre eux, sans auteur ni directeur, les voisinages des loges, ce qui se crie de l’une à l’autre… une voiture de saltimbanques, l’intérieur d’une vraie roulotte. À moins d’être tout jeunet, quel honnête homme trouverait sa pâture là dedans ? »

Mme  Hulin très attentive, quoiqu’en apparence toute à l’ouvrage étalé sur ses genoux, reprit de son même ton posé :

« Je vous fais grâce de l’actrice, quoique vous exagériez visiblement un peu ; mais pour l’homme célèbre, l’auteur à succès, que d’autres tentations ! Admiratrices de salons, bonnes fortunes de la poste restante, tout ce qui vient à vous d’inconnues, vous aimant de loin, vous l’écrivant.

— Oh ! pas bien séduisante, pas bien dangereuse non plus cette sorte-là, dit Régis. D’abord, ce sont toujours les mêmes qui écrivent… une demi-douzaine d’hystériques, d’étrangères collectionnant l’autographe… J’en ai fait vingt fois la preuve avec des amis et confrères de lettres… Leurs inconnues étaient les miennes. »

Pauline releva la tête :