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LE TRÉSOR D’ARLATAN

pense à rien, je ne regrette rien. Encore quelques semaines de ce complet nirvana, je pourrai croire à ma guérison… Alors, pourquoi cette tristesse aujourd’hui ?… Parce que j’avais rêvé de passer l’après-midi avec Zia, à lire des vers devant la Cabane, et que l’enfant n’a pas voulu, prétextant un grand mal de tête qui l’obligeait à rentrer au mas ? Après tout, c’était peut-être vrai ; sa pâleur, l’expression douloureuse de son regard en me quittant… À moins que la pauvre petite, brusquement reprise de son mal… »

Ainsi mille pensées contradictoires se heurtaient dans son esprit, tandis que devant lui clapotaient les flots du lac sur le rivage un peu haut, d’un vert velouté, d’une flore originale et fine, et qu’il entendait les sonnailles d’un troupeau de chevaux sauvages tantôt se rapprocher, tantôt se retirer très loin, dispersées, perdues dans la rafale. Tout à coup, en relevant la tête au-dessus d’une touffe de saladelles bleues, il aperçut Arlatan, le gardien, dont la bourrasque enflait la limousine, tirant à grandes enjambées du côté de sa cahute, puis, arrivé à la porte, grimpant avant d’entrer tout en haut du guinchadou, sorte d’échelle primitive, d’observatoire rustique très élevé, qui sert à surveiller le troupeau.

À peine fut-il descendu, une femme, encapuchonnée jusqu’aux yeux d’une longue mante