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LE TRÉSOR D’ARLATAN

et d’or… Je vous le donne en cent, et même en mille…

— Tais-toi donc, grand simple… » s’écria Naïs, apparaissant sous une coiffe en velours brodé qui datait de son mariage et un corsage bleu de roi, faisant encore plus jaune sa longue figure de fièvre, aux traits tirés, aux yeux cerclés, trop grands.

Enfin elle se laissait voir, la belle Naïs ; mais elle n’en semblait pas plus fière, et, sur la haute selle sarrasine où sa taille mince ondulait aux caracols de la pouliche, c’était pitié de l’entendre dire, en se détournant toute confuse :

« Je vous en prie, ne me regardez pas, je ne suis plus moi-même… Je me fais honte d’être si laide. »

Ô Provence, ô terre d’amour, où sont-elles, les paysannes, les filles de ferme que dévore comme les tiennes le chagrin de perdre leur beauté ?

Charlon protestait, prenait les gardiens à témoin de la grâce de sa femme, de son adresse à se tenir en selle, à galoper autour du rond en marquant au fer rouge tous les taureaux d’une manade :

« Vous avez tort de ne pas voir ça, monsieur le Parisien, ça vaut la peine… Zou ! allons. Je vous emmène tous deux Zia dans ma carriole.

— Merci pour, moi, frérot, dit l’enfant occupée à remettre en place dans la cuisine le