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LE TRÉSOR D’ARLATAN

À l’habitude, il trouva le feu allumé, la table mise, dîna solitairement et fumait sa pipe au coin du feu, quand la porte s’ouvrit tout à coup :

« Comment, c’est vous, petite Zia ?… Vous voilà donc de retour ?… »

Émue et pâle, elle restait debout, appuyant sa tête contre la cheminée :

« Ma sœur est malade… Charlon est parti chercher le médecin des Saintes-Maries. »

Sa voix tremblait, lourde de larmes. Il essaya d’abord de l’apaiser… Il fallait voir, attendre. Sa sœur n’était peut-être pas gravement malade.

« Si, très malade… et par ma faute… Parce que cette fois encore on ne m’a pas laissé faire mon « bon jour »… Lorsqu’elle m’a vue entrer, ce matin, avec la lettre de M. le curé, Naïs est tombée raide. »

Elle-même, comme écrasée sous l’aveu de sa honte, laissa aller ses bras, sa longue taille, et s’assit toute sanglotante, la tête entre ses mains, sur la pierre chaude du foyer.

« Oh ! de ma vie et de mes jours… est-ce Dieu possible, une chose pareille ?… » s’écriait-elle d’une intonation enfantine et désespérée.

Tout le pays, maintenant, allait la montrer au doigt comme une gaupe, une caraque du Pont-du-Gard. Pas moins, elle n’avait jamais fait de mal ni dit de vilaines raisons…« J’en jure sur la Sainte-Image… »