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LE TRÉSOR d’ARLATAN

sans lever ni détourner la tête. Danjou crut reconnaître sa vision du matin, ce paquet de cheveux roux échappés de la petite pointe, la blancheur du cou, du bras si frêle.

« On vous a donc laissée seule avec Miracle, petite Zia ? demanda-t-il en venant jusqu’au bord du clar.

— Ce n’est pas Zia, monsieur Henri… Ma sœur est partie de ce matin.

— Tiens, Naïs !… Ça va mieux, alors ?

— Un peu mieux, merci… »

Elle parlait un provençal très pur, avec cette intonation câline, féline, cette grâce maniérée que lui donnent les filles d’Arles, affectant de tenir le front baissé, absorbé sur son ouvrage. Dès la prime aube, ils avaient été avisés que l’homme d’affaires du mas de Giraud devait se rendre en Arles par le bateau ; et, comme il fallait renvoyer la petite au pays pour l’approche de son « bon jour », Charlon était vite parti la conduire à M. Anduze, un tout à fait brave homme et bon éleveur d’abeilles, ainsi qu’il convenait près d’une enfant de cet âge.

« Ah ! monsieur Henri… » soupira la paysanne, le cœur gros de chagrins et d’envie de les dire, mais s’obstinant toujours à ne pas regarder son ancien danseur.

Un coup de feu éclata très loin, comme au ras de terre. Naïs eut un cri de joie :

« Voici Charlon… Il revient par le canal