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LE TRÉSOR d’ARLATAN

lettre qui l’attendait tous les soirs. « Mon Armand chéri, je croyais qu’il dînerait chez ses parents… »

Cette lettre, arrachée à la poisse de gros doigts chargés de bagues, Danjou la savait par cœur, et maintenant il se la récitait cruellement, en se retournant sur sa couchette de gardien de bœufs. Après avoir eu le courage de partir sans revoir cette fille, sans lui laisser un mot, il se demandait, plein d’épouvante, si elle allait le hanter toutes les nuits comme en ce moment, avec son joli sourire gras et voluptueux, qui se penchait vers le lit, et cette voix expressive et douloureuse qu’il entendait rôder autour de la maison, gémir sous la porte ébranlée, bramer en lui demandant grâce, là-bas, dans les sables de Faraman.