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LE TRÉSOR d’ARLATAN

le garde-chasse parut, précédé des ronds lumineux et sautillants d’une grosse lanterne.

« Ça, monsieur Henri, c’est le bitor, que nous disons… Il pêche avec un grand bec qui fait ce roulement au fond de l’eau… rrrooou… C’est un joli coup de fusil, et fricoté par Naïs, en daube, ça ne sent pas trop le palun.

— Ta femme est une maîtresse cuisinière, Charlon ; seulement pourquoi ne reconnaît-elle pas ses vieux amis ?

— Mais, monsieur, ce n’est pas Naïs que vous avez rencontrée, c’est Zia, qui est aussi grandette que sa sœur, quoiqu’elle n’ait guère plus de quinze ans.

— Quinze ans, Zia ? Et elle n’a pas fait sa première communion encore ? »

Charlon ne répondit pas. Sa lanterne venait de s’éteindre sous un coup de vent du sud qui s’était levé brusquement. Ils rentrèrent dans la Cabane et, courbés vers le feu, fumaient leurs pipes sans parler, quand le garde reprit d’une voix triste :

« Ah ! ce qui se passe dans les têtes de ces petites chattes…Celle-là, voilà trois fois qu’au moment de faire son bon jour M. le curé la remet à une autre année… Pourtant, elle a toute l’instruction qu’il faut. Son catéchisme, elle le récite sur le bout du doigt. Et puis, une brave enfant, de toute manière… Pas moins, il