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LE TRÉSOR d’ARLATAN

la Tour-Saint-Louis. Tout ça fait partie de mon trésor… le trésor d’Arlatan, fameux dans toute la Camargue…Si vous me venez voir un jour, je vous le montrerai. Ma cabane est là, dans ce creux…Bonnes vêpres, mon cér garçon.

— Bonsoir, maître Arlatan. »

Le retour, dans le crépuscule, fut exquis. En se hâtant vers la Cabane, Danjou entendit encore un moment la voix de l’anti-glaireux qui ralliait ses chevaux pour la nuit, puis ce bruit fit place à un piétinement immense, pareil à de la pluie.

Des milliers de moutons, rappelés par les bergers, harcelés par les chiens, se pressaient du côté des parcs. Il se sentait envahi, frôlé, confondu dans ce tourbillon de laines frisées, de bêlements, une houle véritable qui semblait porter les bergers avec leur ombre. Un moment après, un long triangle de canards passa volant très bas, sur le ciel assombri, comme s’ils voulaient prendre terre. Soudain, celui qui tenait la tête de la colonne dressa le cou, remonta avec un cri sauvage, et toute la troupe derrière lui.

C’est la porte de la Cabane, invisible jusqu’alors, qui venait de s’ouvrir, découpant sur la plaine un grand carré de lumière flamboyante ; en même temps se montrait une longue et souple silhouette d’Arlésienne, mante brune et petit bonnet, allant du côté des Charlon et frôlant