Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
ROSE ET NINETTE

limpide voix d’enfant gazouillait d’en bas, de la pelouse :

« Descendez jouer avec moi, dites, voulez-vous ?  »

C’était le petit Maurice Hulin, un adorable garçonnet de neuf à dix ans, au teint de camélia, aux longues boucles tombantes d’un rouge de henné, et qui, le genou blessé, sautillait en s’aidant d’une courte béquille. Mme Hulin, en train de lire près de son enfant, leva la tête et dit : « pardon » et « merci » avec le sourire d’une bouche très bonne, encore jeune.

« N’oublie pas que nous allons aux Français, Ninette, » cria la grande sœur, comme irritée de voir Nina si facile à une nouvelle relation.

La petite ne l’entendit pas, déjà partie.

« Si nous descendions aussi ? demanda le père… Tu verras : c’est une très charmante femme… »

Mais Rose s’y refusa absolument. Elle ne connaissait pas ces gens-là… Et dans l’intonation de la jeune fille, accoudée près de son père à la fenêtre, perçait une antipathie naissante pour Mme Hulin, ainsi que dans le très expert regard dont elle examinait la tenue, la toilette de la femme assise.

Tenue très simple, toilette d’un demi-deuil à peine éclairci par la capeline de jardin aux blanches dentelles, au nœud mauve, du mauve des iris fleuris sur la pelouse.