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LE TRÉSOR D’ARLATAN

eau bouillie, pecaïre ! » soupira Charlon, la bouche pleine, dans un apitoiement égoïste et naïf.

Danjou demanda :

« Mais, puisqu’elle est malade, qui donc nous avait dressé ce joli couvert ?

— La petite, pardi !…celle qui vous servira votre dîner ce soir.

— Quelle petite ?

— Zia, la sœur de Naïs, qui est venue passer quelque temps avec nous. C’est vif, c’est avenant, ça vous a déjà un biais de ménagère. Dommage qu’elle va retourner chez les grands-parents, pour faire son bon jour, sa première communion, comme vous dites dans le Nord. »

Voyant que le Franciot, l’inventaire fait de l’habitacle, s’apprêtait à sortir, il se leva vivement, prêt à le suivre, selon les ordres du maître. Mais Danjou ne voulut pas :

« Merci, merci, Charlon…Va plutôt remiser ton cheval qui s’ennuie, depuis une heure, à brouter l’herbe devant la porte. Moi, je file, jusqu’à ce soir. »

À perte de vue, autour de la Cabane, s’étalait un gramen ras et fin, criblé de petites fleurs d’hiver, qu’on ne rencontre qu’en Camargue, et dont quelques-unes, comme les saladelles, changent de couleur à chaque saison. Après une heure de marche sur ce gazon velouté, élastique, où de rares arbustes, apparus