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LE TRÉSOR d’ARLATAN

paysans, finissait d’émietter son fromage de cacha à la pointe du couteau, Henri Danjou inspectait ce singulier pavillon de chasse, type de la maison camarguaise, qui allait lui servir de sanatorium. L’unique pièce, vaste, haute, sans fenêtre, au toit, aux murs de roseaux desséchés et jaunis, prenait jour sur l’immense plaine par une porte vitrée qu’on fermait le soir, avec de grands volets. Tout le long des murs crépis, blanchis à la chaux, pendaient des fusils, des carniers, des bottes de marais. Sur la haute cheminée de campagne, où s’accrochait le caleil, la petite lampe de cuivre à forme antique, quelques volumes dépareillés de la bibliothèque néo-provençale traînaient parmi de vieilles pipes et des paquets de férigoule desséchée, Mireille et les Iles d’or, de Mistral, la Grenade entr’ouverte, d’Aubanel, la Farandole, d’Anselme Mathieu, les Margueridettes, de Roumanille. Au milieu de la pièce, un mât, un vrai mât, planté au sol, montait jusqu’au toit en pointe auquel il servait d’appui ; et, dans le fond, deux grands lits-berceaux étaient alignés contre le mur, abrités d’un rideau d’indienne bleue.

En face de la Cabane s’entrevoyait la maison du garde, derrière un bouquet de roseaux d’Espagne. Un peu de fumée montait du toit, juste à ce moment.

« C’est Naïs qui est en train de se faire une