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LE TRÉSOR D’ARLATAN

et, rien que pour tirer un halbran, on est sûr de rentrer avec la fièvre. C’est ça qui vous travaille la peau ! »

Ici, Charlon cligna vers l’élégant Franciot à barbe de reître son petit œil jaune de trappeur fait aux affûts de terre et d’eau :

« Mais, vous-même, monsieur Henri, il me semble que vos joues ont coulé… Pourtant, vous n’avez pas nos fièvres de marécage, à Paris.

— Si fait… et des fièvres très mauvaises ; je viens en Camargue pour essayer de m’en guérir. »

Danjou avait parlé sérieusement. Le paysan lui répondit sur le même ton de gravité :

« C’est vrai que, dans cette saison, notre pays est tout ce qu’il y a de plus sain. »

Les terres du mas de Giraud dépassées depuis un moment, ils arrivaient en pleine Camargue sauvage. C’était une ligne uniforme, indéfiniment prolongée, coupée d’étangs et de canaux, étincelants dans la blondeur des salicornes. Pas d’arbres hauts ; des bouquets de tamaris et de roseaux, comme des îlots sur une mer calme. Çà et là des parcs de bestiaux étendant leurs toits bas presque au ras de terre ; des troupeaux dispersés, couchés dans l’herbe saline, ou cheminant serrés autour de la grande roulière du berger.

Pour animer le décor, la lumière d’une belle