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LE TRÉSOR D’ARLATAN

temps, sur bâbord ou tribord, vers Empire ou vers Royaume, pour parler comme nos mariniers du Rhône, le bateau s’arrête à quelque ponton, débarque des tâcherons chargés d’outils, des filles de journée, le panier au bras, sous leurs longues mantes brunes. À la quatrième ou cinquième escale en rive de Camargue, quand vous entendrez appeler le mas de Giraud, descendez.

Devant la vieille ferme provençale des marquis de Barbentane, avec son large banc de pierre et son auvent de cannes sèches, la carriole de Charlon vous attendra. Vous vous rappelez Charlon, le fils aîné de Mitifio, notre vieux garde de Montmajour, qui vous a mis en main votre première carabine ? Aujourd’hui, Mitifio, rongé de rhumatismes comme son maître, ne peut plus entrer dans ses houseaux sans d’horrifiques grimaces ; et c’est à son fils que j’ai confié la garde de ces giboyeux étangs de Camargue, dont je vous ai souvent parlé. Charlon, prévenu de votre arrivée, doit vous conduire à la Cabane, notre rendez-vous de chasse, et vous installer. Logé à deux ou trois cents mètres de vous, il sera jour et nuit à vos ordres et fournira votre table de gibier et de poisson, que la belle Naïs vous cuisinera à la camarguaise.

Cette Naïs, devenue la femme de Charlon, vous l’avez fait danser à votre dernier voyage à