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LE TRÉSOR d’ARLATAN

vage ; je reçois des revues, des journaux où vous trouveriez le nom de votre diva et le détail de ses prouesses, sans compter qu’elle adore le Midi et serait bien capable, vous devinant à Montmajour, de venir jouer Madame Camargo ou la Périchole au théâtre d’Arles, comme il y a dix ans. De Montmajour, quand le ciel est clair, nous entendons, chanter les filles d’Arles. La voix de Madeleine vous arriverait encore plus sûrement, mon pauvre Franciot[1], et vous seriez rebouclé tout de suite. Aussi, le refuge que je vous offre est-il un coin bien autrement perdu et loin de tout, où les périodiques n’arrivent pas, où il n’y a pas de vitrine pour les photographies des jolies actrices, et dont voici le très exact itinéraire :

Arrivé en Arles par le train de Paris, le train de nuit, vous gagnez le quai du Rhône, seul vivant à cette heure matinale. Le bateau à vapeur qui fait le service de la Camargue chauffe au bas des marches. Six heures, on embarque. Avec la triple vitesse du courant, de l’hélice et du mistral, se déroulent les deux rivages. À gauche, la Crau, une plaine aride, pétrée ; en face, la Camargue, prolongeant jusqu’à la mer son immense delta de moissons, d’herbe courte et de marécages. De temps en

  1. Franciot, Franciman, dénomination provençale du Français du Nord.