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ROSE ET NINETTE

c’est Pauline qui avait raison, et maintenant il partageait tous ses scrupules.

Pourtant il hésitait encore à s’en expliquer avec elle… Car enfin ce sentiment pouvait se modifier dans leurs deux âmes, s’atténuer au courant des jours, au contact assidu de leur tendresse ; qui sait même si, par une belle journée de renouveau comme celle-ci, la passion victorieuse n’emporterait pas tout, n’effacerait pas tout, d’un grand élan de flamme saine et réparatrice !…

Il arrivait à la porte du Luxembourg, où l’avait amené lentement sa discutante et cruelle songerie. Avant d’entrer, il se retourna, et le poing tendu vers les allées de l’avenue, dont la sombre verdure laissait vaguement deviner les sveltes et voluptueuses figures de Carpeaux tenant le monde à bras levé et résumant à elles quatre toute l’embûche féminine de la terre :

« Vermine, val… gronda le pauvre Fagan, tu t’y entends à faire saigner la chair de l’homme… »

Une petite main de garçonnet glissée dans la sienne l’entraîna vers le jardin, comme si son amie, du banc très lointain où elle était assise, avait deviné ce qu’il souffrait et lui envoyait Maurice pour l’arracher à la cruauté de ses réflexions.

« Dieu ! que vous êtes pâle, » lui dit Mme Hu-