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ROSE ET NINETTE

tout, je lui ai rendu, je crois bien, son mariage impossible avec Mme  Hulin. »

La petite eut un rire clair sous sa voilette : « Oh ! alors, si la concurrence est par terre… »

Et, pendant que le landau s’ébranlait, Rose, sans prétexte à présent pour sa jalousie, murmurait, abandonnant sa longue taille ;

« Ce pauvre papa !… »

Lui, pendant ce temps, par les squares fleuris et verts où le couchant promenait comme un grand réseau de lumière blonde, allait retrouver Mme  Hulin et son enfant au Luxembourg. En marchant, les yeux vers la haute grille du jardin allongeant ses barreaux en longues ombres violettes indéfiniment, il songeait à l’amie qui l’attendait derrière cette barrière si largement tendue, mais illusoire, un peu l’image des obstacles de leur destinée à tous deux. Il s’expliquait maintenant par quels scrupules cette charmante et délicate Pauline, qui paraissait l’aimer alors qu’elle n’était pas libre, se refusait brusquement une fois veuve et maîtresse de sa volonté. Scrupules exagérés, sans doute, qu’il saurait dissiper avec le temps et l’assiduité de son amour.

Là-dessus, il se hâtait, en rayonnant, aspirait de tous ses sens subtils de convalescent cette journée tiède, les parfums variés des parterres, rafraîchis de légers panaches d’arrosage