Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
ROSE ET NINETTE

qui m’avez soigné, sauvé, quand j’étais abandonné de tous !… C’est elles qui s’en iront plutôt, les mauvaises filles, elles qui m’auraient laissé mourir sans un mot, sans un regard… » Pauline essaya de l’interrompre :

« Oui, je sais, vous les défendez toujours… L’âge, la faiblesse, les conseils de ces gueuses là-bas… Je l’ai cru longtemps, mais c’est fini… De méchantes filles, je vous dis, des filles sans pitié. Ah ! ce qu’elles m’ont fait… Les tas de coups de couteau que j’ai reçus d’elles, en plein cœur !… »

Puis brusquement redevenu tendre, l’expression de ses yeux, de sa voix, transformée :

« Rose, ma grande, je t’en prie, demande pardon à l’honnête femme que tu viens d’outrager si injustement… Fais cela, ma Rose… »

Mme  Hulin protesta dignement, fièrement. Mais lui :

« Si, si, il faut, je veux… Ce sont mes enfants, elles doivent m’obéir. Tu entends, Rose… Ninette, je t’ordonne… »

L’hésitation de l’aînée se devinait à l’oscillation de son long corps frêle ; mais la jalousie l’emporta :

« Non, pas cela… Jamais.

— Et toi, Ninette, ma chérie ?…

— Oh ! moi, comme ma sœur. »

Alors il éclata :

« Allez-vous-en, méchantes, ingrates… Al-