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ROSE ET NINETTE

« Croyez-vous qu’il serait mort si je l’avais encore aimé ?… Non, non… mais le voir là, sur ce lit, la bouche toute noire de poudre, lorsque deux jours avant…

— Deux jours avant ?… »

Sans finir sa phrase, elle s’était levée, penchée une minute vers les jeux du petit.

« Et le père, le pauvre père, dit-elle en se rasseyant, si vous l’aviez vu devant ce lit de mort, devant ce qui avait été son fils, vous vous seriez apitoyé autant que moi… Ces quelques jours au Havre, je les ai passés auprès de lui, sans le quitter, sans prendre même le temps d’une lettre. D’ailleurs je ne vous savais pas de retour ; et puis… »

Elle regarda dehors encore une fois :

« Tiens, je ne vois plus Maurice… »

Un timbre sonna dans l’escalier, annonçant une visite pour Fagan. Mme Hulin, en pareil cas, passait dans une autre pièce, pour éviter tout commentaire sur la familiarité de sa présence ; elle se préparait à disparaître, ramassant à la hâte les menus objets de sa corbeille, mais il lui fit signe : « Non, restez… » La conversation l’intéressait trop, il voulait aller jusqu’au bout.

Une porte qui bat, des pas légers qui se précipitent, et dans la chambre ouverte violemment Maurice annonce d’un cri de triomphe : « Les voilà… voilà Rose et Ninette. »