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ROSE ET NINETTE

Corse, quelle émotion de le retrouver désert ! »

Et comme elle ne répondait pas :

« Pourquoi ne m’avoir pas prévenu, d’une ligne, d’un mot ?

— J’étais partie si bouleversée… »

Mme Hulin parlait devant elle, sans détourner. les yeux :

« Cette dépêche de mon beau-père m’avait tellement saisie : « Hulin va mourir, venez vite. » D’abord, je ne pouvais y croire, je pensais à quelque piège… Aussi, pendant que j’allais seule au Havre, Annette emmenait l’enfant chez elle, au fond des Vosges. Pourtant la dépêche n’avait pas menti, il était mort quand j’arrivai. »

Jamais encore elle n’en avait tant dit. Mais ce qu’il tenait surtout à apprendre, pourquoi son mari était revenu chez elle après l’horrible scène, voilà ce dont elle ne soufflait mot ; et lui, traversé de soupçons, d’idées bizarres, se contentait de demander, embarrassé de sa question :

« Pourquoi s’est-il tué, savez-vous ? »

Elle, avec effort :

« Non… Je ne sais pas… Peut-être las de cette vie de haine, de l’impasse où nous nous trouvions enfermés. Ah ! le malheureux… »

Fagan murmura, les lèvres amincies :

« Comme vous en parlez avec pitié !… Est-ce donc que vous l’aimiez encore ? »

Pauline, toujours sans le regarder :