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ROSE ET NINETTE

son ouvrage. De son lit Fagan ne voit qu’une nuque blanche inclinée, une torsade à reflets fauves, mais il a reconnu Pauline Hulin et Maurice lisant sur un tabouret à ses pieds. Après tant de visions agitantes et sinistres, celle-ci lui cause un tel enchantement qu’il craint de la voir s’effacer, s’évanouir comme les autres dans le vague de la fièvre. Il ferme les yeux, les rouvre et retrouve le même tableau, poudré d’un rayon filtrant sous les rideaux ; seulement, cette fois, Maurice a levé la tête, et, leurs regards se croisant, se souriant, tout seul, sans béquille, l’enfant s’élance dans les bras de son ami.

Pauline s’approche aussi, les mains ouvertes, et dans le rapide examen que fait Régis il la revoit un peu pâlie, les contours du visage amincis en leur cadre de deuil, avec une expression nouvelle de tristesse sur la bonté, la loyauté des traits. Affaibli, il pleure, baise ses doigts :

« Mon amie… mon amie… »

Puis l’attirant, la voix baissée à cause de l’enfant tout près d’eux :

« Et libre… libre enfin ! »

Mais elle, se dégageant :

« Oh ! non, Régis, pas ça… Ne parlons jamais de ça. »

Il est vrai que le drame tout récent motivait une pudeur, une réserve, compréhensibles ; et,