Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
ROSE ET NINETTE

famille de magistrats, les Rémory, et il avait compté que M. de Malville le renseignerait sur l’honorabilité de ces gens-là. Le conseiller fit claquer sa longue lèvre rase :

« Honorable, le Rémory ?… Oui, si vous voulez… mais magistrat nouvelles couches, n’ayant passé par aucune hiérarchie… enfin le seul de nos présidents qui porte la barbe, quand M. le Premier, arrivé dans les mêmes conditions, a fait couper la sienne par respect pour la maison… Vous le voyez, maintenant, votre Rémory ; et si le fils ressemble au père… »

Ici un tableau de la cour de Paris au point de vue des anciennes et nouvelles couches, tellement compendieux et détaillé que Fagan, déjà mal en train, un peu fiévreux, se fût brusquement retiré sans une question qui lui tremblait aux lèvres, vrai post-scriptum de sa visite et qu’il parvint à placer presque en partant. Il s’agissait d’une certaine affaire… Hulin… oui, c’était bien cela, Hulin… un jugement de séparation que le conseiller se rappelait peut-être.

« Si je me rappelle !… Hulin, du Havre… un alto de premier ordre, l’homme de France qui connaissait le mieux son Bach… Il mordait moins à Wagner ; pourtant il m’avait bien promis de venir cette année à Bayreuth, le pauvre diable…

— Quoi donc ? que lui est-il arrivé ?

— Mais qu’il est mort, tout simplement.