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ROSE ET NINETTE

sait dans la salle à manger, où les fenêtres ouvertes recevaient tout le soleil, toutes les senteurs du jardin. Le couvert était mis, coquet, friand, un bouquet à la place de chacune de ces demoiselles, ceci par une attention de Mme  Hulin.

« Mme  Hulin ?… demanda Ninette dont le petit œil rond flambait tout de suite curieusement.

— Ma propriétaire… Elle habite le rez-de-chaussée et loue le premier étage pour se sentir moins seule dans sa maison, car elle est veuve et vit avec son petit garçon et une vieille gouvernante.

— Un flirt pour papa… dit Rose étourdiment, en train d’arranger ses frisures devant une mirette à main.

De Fagan la regarda avec tristesse. Un de ces mots niais comme en avait la mère. Pourtant de ses deux filles Rose était celle qui physiquement ressemblait le moins à la dame Ravaut ; avec sa taille longue, un peu courbée, son teint de bistre créole, la sérieuse et sentimentale expression de ses traits, elle perpétuait le type de son père. Alors lui, d’un ton de doux reproche :

« Je n’ai guère le cœur à flirter, ma chère enfant, et je crois bien que la pauvre Mme  Hulin ne s’en soucie pas plus que moi ; mais c’est une maman très tendre, et, sachant que mes