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ROSE ET NINETTE

IX

« Je ne sais pas, monsieur, je vais voir. » Fagan ne pouvait s’empêcher d’admirer l’imperturbable aplomb du domestique qui n’osait affirmer que son maître était là, alors que de l’entrée, dans l’écroulement de toutes les notes d’un piano-forte, s’entendait la voix, l’inoubliable voix du conseiller de Malville hurlant, jappant, miaulant, hennissant la dernière partition de son musicien bien-aimé. L’homme revint et dit, impassible, dans le fracas musical qui faisait grelotter les vitraux de l’antichambre :

« Si Monsieur veut se donner la peine… »

Le conseiller Garin de Malville, assis au clavier, tourna vers l’arrivant une longue figure nerveuse, sans âge, comme toutes celles dont la douleur a creusé, travaillé l’empreinte, des