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ROSE ET NINETTE

qui scandalise fort le Palais, et des opinions démocratiques auxquelles il doit son extraordinaire avancement. Pas le sou, par exemple. Il est heureux que j’aie songé depuis longtemps à la dot de ma grande Rose. Sans entrer dans le menu des affaires, je peux te dire que je t’abandonne les revenus de mes deux plus fructueux succès, les Jardins enchantés, à l’Opéra-Comique, et Monsieur et Madame Dacier, à la Comédie-Française ; au bas mot vingt mille francs par an. Le père de ton Gaston a semblé satisfait. Je lui ai montré l’album où j’ai ton portrait et celui de ta sœur à différents âges ; il en était ravi et déjà parle de Ninette pour son cadet qui prépare Saint-Cyr. Sois donc tout à fait heureuse, l’affaire est conclue, à moins qu’on m’apprenne chez Garin de Malville, avec qui j’ai rendez-vous, que M. Rémory père est un échappé de Nouméa, bombardé président pour services exceptionnels. J’aurais dû commencer par me renseigner ; mais ce Malville, le seul magistrat de la cour de Paris que je connaisse, organise à Lille un grand festival wagnérien dont il ne reviendra que dans quelques jours. Et alors, tout convenu, mes enfants mariés le plus tôt possible, je leur parlerai d’un projet, d’un rêve qui me hante… Au fait, pourquoi ne pas te le dire tout de suite, à condition de garder la chose entre nous si elle te semble irréalisable ?