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ROSE ET NINETTE

suite de fièvres paludéennes prises en Corse le célébré écrivain dramatique, Régis de Fagan, venait d’être frappé d’aliénation mentale ; c’est dans un bal, à Ajaccio, que les premiers symptômes se seraient déclarés.

« Ah ! la garce… » cria Régis.

Il avait reconnu la touche et l’invention de sa femme ; et tout de suite, exaspéré, donnant à Anthyme une série d’ordres contradictoires et d’un ton de brutalité qui ne lui était pas habituel, il surprit dans les yeux effarés du pauvre garçon cette pensée très nette : « Est-ce que vraiment Monsieur serait devenu fou ? » Ce lui fut une prompte leçon, ce regard de domestique, et qui décida de son attitude devant le public. Cédant à sa nature emportée, il fût allé demander une rectification aux journaux, furieux, la canne haute, de façon à justifier l’abomination imprimée. Il ne fallait pas exagérer non plus le calme, l’indifférence, dont on ne manquerait pas de faire un état comateux.

Aux deux journaux, quand il se présenta, on lui fit de plates excuses ; la nouvelle leur avait été envoyée par câble, d’Ajaccio même. Une rectification paraîtrait dès le lendemain, et, pour peu qu’il le désirât, l’enquête serait facile à faire… Une enquête, à quoi bon ?… Ce serait attacher trop d’importance à une gaminerie, à une mystification. Et dans les bureaux