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ROSE ET NINETTE

Les cheveux dorés et flottants jusqu’à sa jupe d’épais damas, Rose regardait passer les masques, au bras d’un beau garçon très jeune de visage et solennellement chauve, vraie tête de chat-fourré en bas âge ; et voilà que sur sa main haut gantée elle sent la caresse d’un masque de velours, tandis qu’une voix amie, la voix de quelqu’un qu’elle sait parti, embarqué de la veille, murmure : « Bonne nuit, belle dogaresse. » Tout émue, elle veut répondre un mot ; mais la marotte de Rigoletto, tintant un moment tout près d’elle, plus agitée d’un geste frénétique au-dessus de la foule, a disparu du côté du jardin. Elle veut savoir, cherche partout Ninette et la trouve dans le premier salon, en grande conférence avec Mme La Posterolle, celle-ci très pâle sous son rouge. De son plus mauvais sourire, son sourire en flèche, la préfète dit tout bas, comme parlant aux plumes de son éventail : « Je me vengerai, mes petites… je vous jure qu’il me paiera ça ! »

La musique entame une valse, il se fait un mouvement d’invitations, de mise en place, et les trois femmes, mère et filles, diversement impressionnées, tourbillonnent en cadence dans le bal.