Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
ROSE ET NINETTE

leur père, l’ancienne Mme de Fagan, à cette heure Mme Ravaut de son nom de famille, leur a bien recommandé de ne pas parler d’elle, de ne donner aucun renseignement sur son existence actuelle ou ses projets d’avenir, dans le cas d’une enquête indélicate ; et sachant la grande Rose distraite, envolée, elle a surtout fait ses recommandations à Ninette, dont la frimousse est bien amusante avec ce qu’on sent de fermé, d’hermétique aux coins de sa bouche, d’aigu, de curieusement fureteur et ramasseur dans ses yeux de souris. Se peut-il cependant qu’en un temps si court Mme Ravaut ait oublié le caractère fier et digne de celui qui fut près de vingt ans son mari, jusqu’à penser qu’il ferait espionner la mère par ses enfants ! Certes, le désintéressement est difficile d’une existence longtemps jumelle de la vôtre, dont on ressentit journellement les tristesses, les joies, tous les contre-coups sensibles et répercuteurs ; seulement Régis de Fagan met tout son vouloir à oublier, il évite de prononcer jusqu’au nom de son ancienne femme, et, les petites s’appliquant à la même discrète réserve, cela coupe de froids, de silences, de trous, comme on dit au théâtre, la promenade animée à travers l’appartement.

Dans la chambre à coucher par exemple, Rose et Ninette n’ont pu retenir un cri de stupeur devant le tout petit lit de fer, vraie cou-