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nécessaires pour distiller l’essence d’une seconde de pure joie spirituelle ?

La première question qui se pose, à l’apparition d’un Georges Bernanos, c’est celle-ci : « Comment le classer ? » C’est du moins le devoir de toute critique raisonnable. Il n’est personne, si complexe que soit sa nature, ou cette nature seconde qu’est le talent, qui ne puisse être classé. Avant même de vous dire en gros ce qu’est Sous le Soleil de Satan — ce qui fera l’objet d’un article ultérieur – je dois vous dire où l’ouvrage se situe : sur un plan neuf.

D’une façon générale, le roman est la peinture de la vie. Disons, plus exactement, des vies. Car il y a, dans chaque homme, trois vies, ou trois potentiels, trois virtualités, de vies distinctes, bien que fréquemment enchevêtrées : l’organique — qui est celle des tissus, des instincts, de leurs réactions, de leurs combats ; l’intellectuelle, qui se définit par elle-même, et à laquelle préside le discernement, l’esprit, le nous grec ; la spirituelle, enfin, qui est la vie de l’âme, atrophiée