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faire remonter le fleuve jusqu’à la ville, et l’amener à bord du quai, où le chargement et l’arrimage prirent un grand mois.

Pendant que les matelots rangeaient dans la cale les innombrables caisses, les futurs passagers installaient d’avance leurs cabines ; et avec quel entrain ! Quelle urbanité ! Chacun cherchant à se rendre serviable et agréable aux autres.

« Cette place vous va mieux ? Comment donc !

— Cette cabine vous plaît davantage ? À votre aide ! »

Et ainsi de tout.

La noblesse tarasconnaise, si morgueuse d’ordinaire, les d’Aigueboulide, les d’Escudelle, gens qui d’habitude vous regardaient du haut de leur grand nez, fraternisaient maintenant avec la bourgeoisie.

Au milieu du tohu-bohu de l’embarquement, on reçut un matin une lettre du Père Vezole, le premier courrier daté de Port-Tarascon :

« Dieu soit loué ! Nous sommes arrivés, disait le bon Père. Nous manquons de bien des petites choses, mais Dieu soit loué tout de même !… »