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mandait à lui parler. Elle n’avait même pas voulu entrer, et attendait dans le jardin, où il courut précipitamment, en pantoufles et en robe de chambre.

Le jour finissait, le crépuscule rendait déjà les objets indistincts ; mais, malgré l’ombre tombante et l’épaisse voilette, rien qu’au feu des yeux ardents qui brillaient sous le tulle, Tartarin reconnut sa visiteuse :

« Madame Excourbaniès !

— Monsieur Tartarin, vous voyez une femme bien malheureuse. »

La voix tremblait, lourde de larmes. Le bonhomme en fut tout ému et l’accent paternel :

— Ma pauvre Évelina, qu’avez-vous ?… Dites… »

Tartarin appelait ainsi par leur petit nom à peu près toutes les dames de la ville, qu’il avait connues enfants, qu’il avait mariées comme officier municipal, restant pour elles un confident, un ami, presque un oncle.

Il prit le bras d’Évelina, la fit marcher en rond autour du petit bassin aux poissons rouges, pendant qu’elle lui contait son chagrin, ses inquiétudes conjugales.