Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

braves bourgeois sédentaires, se délectaient à la lecture de quelque frais déjeuner sur l’herbe au bord d’un ruisseau à cascade, sous l’ombre de grands arbres exotiques ; ils y croyaient être, et sentaient gicler sous leurs dents le jus des fruits savoureux, mangues, ananas et bananes.

« Et pas de mouches ! » disait le journal, les mouches étant, comme on sait, le trouble-fête de toutes les parties de campagne en terre de Tarascon.

La Gazette publiait même un roman, la Belle Tarasconnaise, une fille de colon enlevée par le fils d’un roi papoua ; et les péripéties de ce drame d’amour ouvraient aux imaginations des jeunes personnes des horizons sans fin. La partie financière donnait le cours des denrées coloniales, les annonces d’émission des bons de terre et des actions de sucrerie ou de distillerie, ainsi que les noms des souscripteurs et les listes de dons en nature qui continuaient à affluer, avec l’éternel « costume pour un sauvage » de Mlle Tournatoire.

Pour suffire à de si fréquents envois, il fallait que la bonne demoiselle eût installé chez elle de véritables ateliers de confection.