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tanes, dans les vieux bourgs, les cabarets mangés de mouches, dans les salles de danse, partout, c’étaient des allocutions, des sermons, des conférences.

Le duc de Mons, en termes clairs et concis, d’une simplicité, de vérité toute nue, exposait les délices de Port-Tarascon et les bénéfices de l’affaire ; l’ardente parole du moine prêchait l’émigration à la façon de Pierre l’Ermite. Tartarin, poudreux de la route comme au sortir d’une bataille, jetait de sa voix sonore quelques phrases ronflantes : « victoire, conquête, nouvelle patrie, » que son geste énergique envoyait au loin, par-dessus les têtes.

D’autres fois se tenaient des réunions contradictoires, où tout se passait par demandes et réponses.

« Y a-t-il des bêtes venimeuses ?

— Pas une. Pas un serpent. Pas même de moustiques. En fait de bêtes fauves, rien du tout.

— Mais on dit que là-bas, dans l’Océanie, il y a des anthropophages ?

— Jamais de, la vie ! Tous végétariens…

— Est-ce vrai que les sauvages vont tout nus ?