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de répondre aux clients et de ne laisser personne approcher du salon sous aucun prétexte.

L’élève, très intrigué, se mit à ranger sur les étagères les boîtes de jujube, les flacons de sirupus gummi et autres produits d’officine.

Le bruit des voix, par moments, arrivant jusqu’à lui, il distinguait surtout le creux de Tartarin proférant des mots étranges :

« Polynésie… Paradis terrestre…, canne à sucre, distilleries…, colonie libre. » Puis un éclat du Père Bataillet : « Bravo ! J’en suis ». Quant à l’homme du Nord, il parlait si bas, qu’on n’entendait rien.

Pascalon avait beau enfoncer son oreille dans la serrure… Tout à coup, la porte s’ouvrit avec fracas, poussée manu militari par la poigne énergique du Père, et l’élève alla rouler à l’autre bout de la pharmacie. Mais, dans l’agitation générale, personne n’y fit attention.

Tartarin, debout sur le seuil, le doigt levé vers les paquets de têtes de pavots qui séchaient au plafond de la boutique, avec une mimique d’archange brandissant le glaive, s’écria :