Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Père Blanc ; les gens aisés, les boutiquiers, ceux de la bourgeoisie, en possédaient un en particulier ; quant aux familles artisanes, elles s’associaient, se mettaient à plusieurs pour entretenir un de ces saints hommes, en participation.

Dans toutes les boutiques on voyait une cagoule blanche. Chez l’armurier Costecalde au milieu des fusils, des carabines et des couteaux de chasse, au comptoir du mercier Beaumevieille derrière les rangées de bobines de soie, partout se dressait la même apparition d’un grand oiseau blanc qui semblait un pélican familier. Et la présence des Pères était pour chaque demeure une vraie bénédiction. Bien élevés, doux, enjoués, discrets, ils n’étaient pas gênants, ne tenaient pas une grande place au foyer, et cependant y apportaient une bonté, une réserve inaccoutumée.

C’était comme si l’on avait eu le bon Dieu chez soi : les hommes se retenaient de jurer et de dire des gros mots ; les femmes ne mentaient plus, ou guère ; les petits restaient bien sages et bien droits sur leur chaise haute.

Le matin, le soir, à l’heure de la prière,