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mes hommes… On meurt de faim… Toutes les citernes sont vides. Le moment est venu de rendre la place, ou de nous ensevelir sous ses débris. »

Ce qu’il ne disait pas, mais qui avait bien aussi son importance, c’est que, depuis quinze jours, il était privé de son chocolat du matin, qu’il le voyait en rêve, gras, fumant, huileux, accompagné d’un verre d’eau fraîche claire comme du cristal, au lieu de l’eau saumâtre des citernes, à laquelle il était réduit maintenant.

Tout de suite le Conseil fut debout, et dans une rumeur de voix parlant toutes ensemble exprima un avis unanime :

« Rendre la place… Il faut rendre la place… » Seul, le Père Bataillet, un homme excessif, proposa de faire sauter le couvent avec ce qu’on avait de poudre, d’y mettre le feu lui-même.

Mais on refusa de l’écouter, et la nuit venue, laissant les clefs sur les portes, moines et miliciens, suivis d’Excourbaniès, de Bravida, de Tartarin avec son gros de messieurs du cercle, tous les défenseurs de Pampérigouste sortirent, sans tambours ni clairons cette fois, et descendirent silen-