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grondait, par les cours, les corridors et sous les arceaux du cloître. On sonnait du matin au soir, aux prières tara-ta, au trésorier tara-ta-ta, au Père hôtelier tara-ta-ta-ta ; des coups de clairons impérieux, secs et sonores, déchirant l’air. On claironnait pour l’Angélus, pour Matines et Complies. C’était à faire honte à l’armée assiégeante, qui menait beaucoup moins de bruit, au large de la campagne, tandis que là-haut, au sommet de la petite colline, derrière les fins créneaux de l’abbaye-forteresse, claironnades et tambourinades mêlées aux tintements des carillons faisaient un fier ramage et jetaient aux quatre vents, en promesse de victoire, un chant allègre, mi-belliqueux et mi-sacré.

Le diantre, c’est que les assiégeants, bien tranquilles dans leurs lignes, sans se donner aucune peine, se ravitaillaient facilement et tout le jour faisaient bombance. La Provence est un pays de délices, qui produit toutes sortes de bonnes choses. Vins clairs et dorés, saucisses et saucissons d’Arles, melons exquis, pastèques savoureuses, nougats de Montélimar, tout était pour les troupes du gouvernement : il