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Rien, les magnifiques peaux de lions de l’Atlas, rien l’alpenstok, son glorieux bâton de la Jungfrau, toutes ces richesses, ces curiosités, vrai musée de notre ville, vendues à des prix dérisoires… La foi perdue ! Et ce baobab dans son petit pot, qui, pendant trente ans, a fait l’admiration de la contrée ! Quand on l’a mis sur la table, quand le crieur a annoncé « arbos gigentea, des villages entiers peuvent tenir sous son ombrage… » Il paraît qu’il y a eu un fou rire. De chez lui Tartarin les entendait, ces rires, en tournant dans son petit jardin avec deux amis. Il leur a dit sans amertume :

« Opérés de la cataracte, eux aussi, mes bons Tarasconnais. Ils y voient, maintenant ; mais ils sont cruels. »

Le plus triste, c’est que la vente n’ayant pas produit assez, il a dû céder la maison aux des Espazettes, qui la destinent au jeune ménage. Et lui, le pauvre grand homme, ou ira-t-il ? Passera-t-il le pont comme il en a vaguement parlé ? Se réfugiera-t-il à Beaucaire prés de son vieil ami Bompard ?

Pendant que Branquebalme, debout au milieu de la pharmacie, me racontait ces