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vieux châteaux, celui de Beaucaire avec la ville à ses pieds, ceux de Courterolle, de Vacquerie. Derrière ces gros murs, éboulés par le temps, il se tenait autrefois des « cours d’amour », où les trouvères, les félibres d’alors, étaient aimés par des princesses et des reines qu’ils chantaient, comme Pascalon chante sa Clorinde. Mais quel changement, pécaïre ! depuis ces époques lointaines. À présent les somptueux manoirs ne sont plus que des trous envahis de ronces ; et les félibres ont beau célébrer grandes dames et damoiselles, les damoiselles se moquent joliment d’eux.

Une vue moins attristante est celle du canal de Beaucaire avec tous ses bateaux peints en vert, en jaune, serrés en tas, et sur les quais les taches rouges des militaires que je vois se promener du haut de mon fenestron.

Ils doivent être bien contents, les gens de Beaucaire, de la mésaventure de Tarascon et de l’écroulement de notre grand homme ; car la renommée de Tartarin les offusquait, ces orgueilleux voisins d’en face.

Dans mon enfance, je me rappelle quels esbrouffes ils faisaient encore avec leur foire