Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Là-haut, pendant ce temps, appuyé au fauteuil de lady William, dans le parfum de la brise mourante et l’éblouissant reflet sur la mer, sur le pont du navire, d’un soleil couchant qui suspendait à tous les cordages des gouttelettes de groseille, Tartarin racontait ses amours avec la princesse Likiriki, et leur séparation déchirante. Il savait que les femmes aiment à consoler, et que porter ses chagrins de cœur en écharpe est la meilleure façon de réussir auprès d’elles.

Oh ! la scène des adieux entre la petite et lui, chuchotée de tout près par Tartarin dans le mystère du crépuscule ! Qui n’a pas entendu cela n’a rien entendu.

Je ne vous affirmerai pas que le récit fût absolument exact, que la scène ne fût pas un rien arrangée ; mais, en tout cas, c’était comme il aurait voulu que cela fût, une Likiriki passionnée et brûlante, la pauvre princesse prise entre ses sentiments de famille et son amour conjugal, s’accrochant au héros de ses petites mains désespérées :

« Emmène-moi ! emmène-moi ! »

Lui, le cœur broyé, la repoussant, s’arrachant à ses étreintes « Non, mon enfant,