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jetant brusquement sa serviette, se retira à son tour sans saluer, sans s’excuser, conformément à la légende napoléonienne.

Les Anglais se regardèrent avec stupeur, échangeant quelques mots à voix basse.

« Son Excellence ne boit jamais de vin…, » dit Pascalon, qui crut devoir expliquer la sortie de son bon maître et prendre la parole à sa place. Il tarasconnait fort agréablement lui aussi et, tout en tenant tête aux Anglais pour boire le claret, il les égayait, les frictionnait de sa verve joyeuse et de sa chaude pantomime.

Puis, lorsqu’on se leva de table, se doutant bien que Tartarin était monté sur le pont rejoindre lady Plantagenet, il s’offrit insidieusement pour faire la partie du commodore, grand amateur d’échecs.

Les autres convives du dîner causaient et fumaient autour d’eux ; et à un moment, le lieutenant Shipp ayant chuchoté au docteur une drôlerie qui le fit beaucoup rire, le commodore leva la tête :

« Qu’est-ce qu’il a dit, ce Shipp ? » Le lieutenant répéta sa phrase, et l’on rit encore plus fort sans que Pascalon pût comprendre de quoi il s’agissait.