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fit rire tout le monde ! Il devait se réaliser pourtant.

Ici le grand homme s’interrompit :

« Je vous jette ces choses, voyez, un peu à la bousculade, comme elles me viennent, mais pour le Mémorial je crois que cela pourra vous être utile…

– Certes ! » fit Pascalon, qui buvait les paroles de son héros, tandis qu’une demi-douzaine de jeunes midships, groupés autour de Tartarin, écoutaient ses récits, bouche bée.

Mais la plus attentive était la femme du commodore, une toute jeune, dolente et délicate créole, étendue non loin de là sur une chaise longue en bambou, avec des poses abandonnées, la pâleur chaude d’un magnolia, de grands yeux noirs, doux, profonds, pensifs… Celle-là, oui, s’en abreuvait des histoires de Tartarin.

Tout fier de voir son maître si passionnément écouté, Pascalon le voulait plus glorieux encore, lui faisait raconter ses chasses au lion, son ascension de la Jungfrau, la défense de Pampérigouste. Et le héros, bon enfant comme toujours, prêtant la main à cet innocent compérage, se livrait tout en-