Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À la longue, il devenait ennuyeux. Pascalon lui demanda la permission d’aller à l’avant se mêler aux Tarasconnais, dont on apercevait de loin quelques groupes consternés sous la pluie, afin, disait-il, de savoir un peu ce qu’ils pensaient du Gouverneur, surtout dans l’espérance de glisser à sa chère Clorinde quelques mots d’encouragement et de consolation.

Une heure plus tard, en revenant, il trouva Tartarin installé sur le divan du petit salon, à l’aise, en caleçon de flanelle et foulard de tête, comme chez lui à Tarascon, dans sa petite maison du Cours, en train de fumer pipette devant un délicieux sherry-gobbler.

D’une humeur adorable, le maître demanda :

« Hé bien, qu’est-ce qu’ils vous ont dit de moi, ces braves gens ? »

Pascalon ne cacha pas qu’ils lui avaient paru tous « très montés ! »

Empilés dans l’entrepont de l’avant comme des bestiaux, mal nourris, durement traités, ils rendaient le Gouverneur responsable de toutes leurs déconvenues.

Mais Tartarin haussa les épaules ; il connaissait son peuple, vous pensez bien ! Tout cela sécherait au premier matin de soleil.