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« En effet », dit Tartarin très fier de ce rapprochement ; et l’identité de leurs deux destinées, à lui et au grand Napoléon, lui fit passer une excellente nuit.

Le lendemain, Port-Tarascon était évacué à la grande joie des colons. Leur argent perdu, les hectares illusoires, le grand coup de banque du « sale Belge » dont ils avaient été victimes, tout cela ne leur semblait rien auprès du soulagement qu’ils éprouvaient à sortir enfin de ce marécage.

On les embarqua les premiers, pour éviter tout conflit avec l’État de choses, qu’ils rendaient maintenant responsable de leur mauvais sort.

Comme on les conduisait aux chaloupes, Tartarin se montra à sa fenêtre, mais dut s’en retirer bien vite sous les huées qui l’accueillirent et devant les poings menaçants tendus vers lui.

Bien sûr que par un jour de soleil les Tarasconnais se seraient montrés plus indulgents, mais l’embarquement se faisait sous une pluie torrentielle, les malheureux pataugeaient dans la fange, emportaient aux semelles des kilos de cette terre maudite, et les parapluies garantissaient à peine