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gluant, devant le Gouverneur ; mais il fut impossible d’en tirer un mot.

Alors Tartarin lut le traité à haute voix, montra la croix en signature de Sa Majesté, le sceau du Gouvernement, des grands dignitaires de la colonie.

Ce document authentique prouvait les droits des Tarasconnais sur l’île, ou rien ne les prouverait.

L’officier haussa les épaules :

« Ce sauvage est un simple pickpocket, monsieur… Il vous a vendu ce qui ne lui appartenait pas. L’île est depuis longtemps une possession anglaise. »

En face de cette déclaration, à laquelle les canons du Tomahawk et les baïonnettes des soldats de marine donnaient une valeur considérable, Tartarin sentit toute discussion inutile, et se contenta de faire une scène terrible à son indigne beau-père :

« Vieux coquin !… Pourquoi nous as-tu dit que l’île était à toi ?… Pourquoi nous l’as-tu vendue ?… N’as-tu pas honte de t’être joué d’honnêtes gens ? » Négonko demeurait muet, abruti, sa courte intelligence de sauvage toute volatilisée en vapeurs d’ail et d’alcool.