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ils s’enveloppaient à demi ; et de les voir ainsi affublés, de se dire qu’ils avaient mangé le Père Vezole, le notaire Cambalalette et tant d’autres, on sentait le même frémissement de répulsion que devant des boas de ménagerie digérant sous les plis de leur litière de laine.

Le roi Négonko marchait le premier, long vieux noir au gros ventre d’enfant de lait, coiffé comme d’une calotte par une chevelure crépue et toute blanche, une pipe en terre rouge de Marseille pendue à son bras gauche par une ficelle. Près de lui la petite Likiriki, aux yeux luisants de diablotin, parée de colliers de corail et de bracelets de coquillages rosés. Après eux de grands singes noirs à longs bras, grimaçant d’horribles sourires à dents pointues.

On se permit d’abord quelques plaisanteries, on disait : « Voilà de l’ouvrage pour Mlle Tournatoire », et la bonne vieille demoiselle, reprise par son idée fixe, songeait, en effet, à habiller tous ces sauvages ; mais la curiosité se tourna bientôt en fureur au souvenir des compatriotes mangés par les cannibales.

Des clameurs : « À mort… à mort !…