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le nouveau-né apportât de l’espoir et du bonheur à la colonie. Le Gouvernement a fait distribuer double ration de thon et de pains-poires ; et sur toutes les tables, le soir, fumait un plat d’extra. Nous autres, nous avions mis rôtir un porc sauvage tué par le marquis, le premier fusil de l’île après Tartarin.

Le dîner fini, resté seul avec mon bon maître, je le sentais si affectueux, si paternel, que je lui ai avoué mon amour pour Mlle Clorinde. Il a souri, il le connaissait et m’a promis d’intervenir, plein de paroles encourageantes.

Malheureusement, la marquise est une d’Escudelle de Lambesc, très fière de ses origines, et moi rien qu’un simple roturier. De bonne famille, sans doute, rien à nous reprocher, mais ayant toujours vécu bourgeois. J’ai aussi contre moi ma timidité, mon léger bégayement. Je commence en plus à me déplumer un peu dans le haut… Il est vrai que la direction du secrétariat à mon âge !…

Ah ! S’il n’y avait que le marquis ! Lui, pardi ! Pourvu qu’il chasse… Ce n’est pas comme la marquise, avec ses quartiers.