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Nous appelons en ville la grande maison que les charpentiers du Tutu-panpan ont remise en état. On a fait tout autour une sorte de boulevard, auquel on a donné le nom de Tour-de-Ville, comme à Tarascon. L’habitude est déjà prise parmi nous. On dit « Nous irons en ville, ce soir… Êtes-vous allé en ville, ce matin ?… Si nous allions en ville ?… » Et cela semble tout naturel.

Le blockhaus est séparé de la ville par un ruisseau que nous appelons le Petit-Rhône. De mon bureau, quand la fenêtre est ouverte, j’entends les battoirs des laveuses, toutes penchées le long de la berge, leurs chants, leurs appels en ce parler provençal si coloré, si pimpant, et je peux me croire encore au pays.

Une seule chose me gâte le séjour du Gouvernement : la poudrière. On nous a laissé une grande quantité de poudre déposée dans le sous-sol avec des provisions de diverse nature, ail, conserves, liquides, réserves d’armes, d’instruments et d’outils ; le tout soigneusement cadenassé ; mais c’est égal, de penser qu’on a là, sous les pieds, une si grande quantité de matières combustibles