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naient alors vers la terre de Provence, si imprudemment abandonnée.

La foule des émigrants remplissait le navire d’un grouillement de fourmilière dévastée. La vieille douairière d’Aigueboulide errait sur le pont, sans lâcher sa chaufferette ni sa perruche.

Au milieu de la rumeur des discussions qui précédaient le vote, on n’entendait que des imprécations contre le Belge, le sale Belge… Ah ! Ce n’était plus M. le duc de Mons !… Le sale Belge… On disait cela les dents serrées, le poing tendu.

Malgré tout, sur un millier de Tarasconnais, cent cinquante votèrent pour rester avec Tartarin. Il faut dire que la plupart étaient des dignitaires et que le Gouverneur avait promis de leur laisser leurs fonctions et leurs titres. De nouvelles discussions s’élevèrent pour le partage des vivres entre les partants et les restants.

« Vous vous ravitaillerez à Sydney », disaient ceux de l’île à ceux du navire.

— Vous chasserez et vous pêcherez, répondaient les autres, qu’avez-vous besoin de tant de conserves ? »