Puis, s’interrompant : « Hé ! Ménicle… Ménicle !…
— Monsieur Numa ?
— Qu’est-ce que c’est que cette masure, là-bas, de l’autre main du Rhône ?
— Ça, monsieur Numa, c’est le Jonjon de la reine Jeanne…
— Ah ! oui, c’est vrai… Je me rappelle… Pauvre Jonjon ! Son nom est aussi démantelé que lui. »
Il faisait alors à Hortense l’historique du donjon royal ; car il savait à fond sa légende provençale… Cette tour ruinée et roussie, là-haut, datait de l’invasion sarrasine, moins vieille encore que l’abbaye dont on apercevait, tout auprès, un pan de mur à moitié croulé, percé sur le bleu d’étroites fenêtres alignées et d’un large portail en ogive. Il lui montrait le sentier, visible au flanc de la côte rocailleuse, par où les moines vers l’étang luisant comme une coupe de métal s’en venaient pêcher des carpes, des anguilles pour la table de l’abbé. Il remarquait, en passant, que dans les plus beaux sites la vie friande et recueillie des couvents s’était installée, planant, rêvant aux sommets, mais descendant lever la dîme sur tous les biens de nature et les villages environnants… Ah ! le moyen âge de Provence, le beau temps des trouvères et des cours d’amour… Maintenant les ronces disjoignaient les dalles où les Stéphanette, les Azalaïs, avaient laissé traîner leurs robes plates ; les orfraies et les hiboux miaulaient, la nuit, où chantaient les troubadours. Mais n’est-ce pas qu’il restait encore sur tout ce clair paysage des Alpilles un bouquet d’élégance coquette, de mièvrerie italienne, comme un frisson